Déconstruction du discours du lobby bancaire par Jézabel Couppey-Soubeyran

Dans son dernier essai, Jézabel Couppey-Soubeyran, Maître de condérences à l’Université Paris I, s’est engagée dans une entreprise de déconstruction du discours tenue par la profession bancaire à propos des exigences réglementaires. L’auteure estime que la crise de 2007 a fait naître des volontés politiques pour réguler le système bancaire, mais que depuis celles-ci se sont éteintes. Elle explique cette dissipation par le comportement des grandes banques et de leurs représentants qui viseraient à passer sous silence les effets de la crise afin d’éviter à tout prix toute forme de contrainte réglementaire d’ampleur les concernant. Sans parti pris, l’ouvrage de Jézabel Couppey-Soubeyran est intéressant en décryptant les arguments employés par le lobby bancaire pour influencer, voire déterminer, les choix politiques. En outre, l’auteure émet des idées pour que les choses changent, même si celles-ci restent malgré tout très générales. « Blabla Banque – Le discours de l’inaction » est avant tout un pamphlet plus qu’un livre blanc…

 

 

Le premier des arguments brandis par la profession bancaire selon Jézable Couppey-Soubeyran, est de présenter la pression réglementaire comme une menace pour la croissance économique. Le secteur bancaire présenterait les contraintes prudentielles comme une mécanique rationnant le crédit et de ce fait pénalisant l’investissement. Les banques accepteraient ainsi mal que leur soit imposée une plus grande sécurité par le bais des exigences croissantes de fonds propres. Il s’agit ici, selon l’auteure, de l’emploi d’une technique rhétorique classique : le remède serait pire que le mal. Selon elle, le  lobby bancaire sait également mettre en scène tel ou tel ajustement réglementaire en le qualifiant d’inutile, s’appuyant sur des prétendues lois du marché s’accommodant fort mal avec toute forme d’interventionnisme. Rien de mieux donc pour maintenir le statu quo que de faire d’une évolution la source d’une angoisse ou d’un mépris. Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, le conservatisme est le crédo du lobby bancaire puisqu’il s’agit de préserver une position dominante compte tenu que la finance dans son ensemble a pris une ampleur considérable dans le champ économique. Son omniprésence, nous explique l’auteure, n’en est pas moins improductive pour l’économie réelle, en captant toujours plus de richesses créées sans impact  sur la production globale. En outre, la financiarisation sans limite de l’économie génère d’après elle des mastodontes bancaires représentant finalement des risques systémiques dangereux.

 

  

Une fois le discours du lobby bancaire déconstruit, Jézabel Couppey-Soubeyran émet des idées pour qu’évoluent les pratiques financières. Il faudrait d’abord accorder plus de poids aux superviseurs, notamment avec des rémunérations attractives pour que la surveillance bancaire ne soit plus le parent pauvre du secteur financier, afin d’attirer entre autres les jeunes talents. Il conviendrait ensuite d’accorder au régulateur la capacité d’orienter l’activité des banques vers le financement des crédits. Les établissements bancaires en effet ne peuvent plus argumenter à partir d’un assèchement de leurs liquidités puisque la banque centrale a rarement été aussi généreuse en la matière. Les liquidités abondent aujourd’hui en Europe. Seulement elles servent trop peu la production, donc l’emploi. Jézabel Couppey-Soubeyran nous dit que la finance aujourd’hui s’autoalimente avec la banque centrale, se coupant encore un peu plus de l’économie réelle. La régulation du secteur bancaire est pour l’auteure le passage obligé pour que la finance soit à nouveau au service de l’économie et non plus, comme elle le présente, un espace protégé dont bénéfice quelques-uns au détriment du plus grand nombre.

 

 

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