Les origines du capitalisme

De quand date le capitalisme ? Peut-on parler de système capitaliste avant que les révolutions industrielles n’aient produit leurs effets en Europe ? Dans l’hypothèse où le capitalisme se caractérise tout à la fois par la détention privée de moyens de production, par l’accumulation de capital, par la recherche du profit, par l’emploi de ressources sur des marchés organisés, par l’existence d’une force de travail salariée, il est bien difficile d’identifier un système productif répondant à ces critères avant que l’Angleterre ne se soit engagée massivement dans l’industrie au XVIIIème siècle.

 

 

Un capitalisme social s’est pourtant développé dès le XVème siècle, dans des sociétés majoritairement rurales. Le cœur du système était constitué de grandes cités marchandes ouvertes sur la mer, la Méditerranée d’abord avec des villes comme Venise et Gènes, puis sur l’océan une fois installée la domination des ports de l’Europe du Nord avec Anvers et Amsterdam. C’est par la suite que Londres est devenu le centre de l’économie mondiale. La prospérité de ces grands pôles marchands reposa sur des fonctionnements que l’on peut considérer comme de nature capitaliste : accumulation du capital, prise de risque, quête du profit. Les marchands négociants avaient également recours à une main d’œuvre salariée, et utilisaient déjà les outils d’un capitalisme financier embryonnaire : lettre de change, achat à terme, assurance pour les navires…

 

 

A une époque où les rendements agricoles sont faibles et où domine l’artisanat, les activités marchandes sont la principale source de bénéfice. Les profits issus du commerce vont progressivement alimentés l’industrie naissante, les commerçants des grandes cités faisant travailler les artisans de l’arrière-pays. Puis, avec le développement du machinisme, la main d’œuvre salariée se trouve de plus en plus concentrée dans des unités spécialisées. En outre, l’accumulation des capitaux en Europe du Nord alimente un premier capitalisme dit financier. Celui-ci même s’il est émergent produit du crédit en direction des entrepreneurs innovateurs, mais aussi vers les propriétaires fonciers soucieux d’accroître leurs rendements agricoles à un moment où l’industrie naissante provoque une poussée de la population urbaine à nourrir. La révolution agricole alimente l’essor de l’industrie, les disettes disparaissent. Une abondante main d’œuvre est désormais disponible pour l’industrie. De plus, avec la baisse du prix des matières premières, les industries agro-alimentaires sont stimulées. La dynamique du capitalisme est donc en marche à partir de la fin du XVIIIème siècle. Et même si le système capitaliste est protéiforme dans le temps (commercial, industriel, financier), invariablement les capitaux se dirigent là où les taux de rendement sont les plus élevés. Il y a donc un véritable continuum entre les systèmes précapitalistes du Moyen-âge et le capitalisme moderne.  

 

  

Sur un plan territorial, on peut se demander pourquoi le capitalisme est né en Europe, pourquoi le vieux continent a bénéficié des innovations technologiques ayant permis la croissance économique. Pourquoi les cultures musulmanes et chinoises très puissantes et ayant créé aussi des richesses avec le commerce et l’utilisation d’outils financiers innovants, n’ont-elles pas connu les mêmes stades de développement capitalistes que l’Europe ? Max Weber, au début du XXe siècle, proposa une réponse en établissant un lien entre l’esprit capitaliste et l’éthique protestante. La diffusion de certaines valeurs religieuses ayant cours en Europe aurait selon lui favoriser l’émergence des entrepreneurs. Cette explication n’est pourtant pas suffisante car, outre que les espaces précapitalistes soient antérieurs à la Réforme, l’émergence du capitalisme correspond surtout à l’émergence d’une pensée laïque et rationnelle, laquelle a impacté les rapports sociaux. Ainsi, les thèses portées par les courants de pensées mercantilistes et physiocrates ont stimulé dans toute l’Europe la montée en puissance d’une classe bourgeoise et du libéralisme en tant que doctrine économique et politique. C’est sans doute sur ce point que se situe la différence fondamentale entre le continent européen et les autres grandes civilisations, celles-ci restant ancrées dans des rapports sociaux plus immuables, mais aussi sur une moindre nécessité à rechercher des gains de productivité, donc à innover industriellement, compte tenu que leur population était plus importante en nombre d’individus.

 

 

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